L’addiction à la pornographie
L’addiction à la pornographie est une stratégie inconsciente de fuite, comme une bouée à laquelle on se raccroche pour échapper à son mal-être. Mais c’est une bouée percée. Tu n’as pas besoin de cette dépendance, tes ressources personnelles te suffisent. Il est donc temps de te séparer du porno et d’en faire le deuil. Au change, tu vas gagner en liberté et accéder à la vraie vie, une vie plus adulte et plus responsable.
Bonne route !
L’objectif des quelques lignes qui suivent est simple : t’aider à poser un regard nouveau sur ton addiction à la pornographie. Peut-être le sevrage que tu entreprends ou envisages t’effraie-t-il : tu crois savoir ce que tu vas perdre en arrêtant le porno – une certaine sécurité –, mais pas ce que tu vas gagner. Détrompe-toi : tu n’as rien à perdre… et tout à gagner.
L’addiction à la pornographie, entre malaise et plaisir
On peut être dépendant au porno
À l’instar des substances psychoactives, les comportements liés à la sexualité (masturbation, consommation de pornographie, tchat, webcams, etc.) peuvent devenir addictifs en raison de l’excitation et du plaisir qu’ils procurent. Il n’y a pas de honte à être concerné. L’addiction à la pornographie est une réalité qui concerne de plus en plus de personnes, y compris des adolescents.
L’addiction à la pornographie est une perte de contrôle
Le concept d’addiction (ou dépendance, les deux termes ayant à peu près la même signification) a été théorisé en 1990 par un psychiatre américain, Aviel Goodman. L’addiction est le processus par lequel un comportement est répété pour produire un plaisir et soulager un malaise intérieur. Mais ce qui la caractérise surtout – et va entraîner des souffrances –, ce sont les deux éléments suivants :
l’échec répété pour exercer un contrôle sur le comportement ;
sa persistance malgré les conséquences négatives.
La dépendance à la pornographie entre dans ce schéma.
En général, une dépendance vient dérégler progressivement toutes les dimensions de la vie : le mental, les émotions, la santé physique, l’estime de soi, la sexualité, les relations, les finances, le travail, etc. La décision d’arrêter la pornographie survient généralement quand les souffrances deviennent trop grandes par rapport aux effets positifs. Il y a plus de mal que de bien…
Dans l’addiction au porno, le produit est le comportement lui-même
On distingue deux grands types de dépendances : avec produits (alcool, tabac, cannabis…) et sans substances. L’addiction à la pornographie et à la masturbation fait partie des secondes, aussi appelées « comportementales » car c’est la conduite à l’origine du plaisir qui pose un problème (jeux, achats, sport…).
En réalité, tout comportement autour de la sexualité – et pas seulement la consommation de porno - peut devenir compulsif et donner lieu à une addiction.
L’addiction au porno : de la curiosité au besoin, du plaisir à la souffrance
Une bascule par étapes dans la dépendance
Les notions de progressivité et de bascule sont capitales pour comprendre comment on peut tomber dans une addiction à la pornographie et à la masturbation. L’acte ponctuel et décidé du début va prendre peu à peu un caractère habituel et automatique, puis finir par échapper à tout contrôle.
On distingue trois stades successifs de l’addiction.
1er stade : découverte du porno et usage récréatif.
La pratique reste ponctuelle, festive et limitée en temps. En général, l’objectif est de se faire plaisir. Le comportement est « normal » d’un point de vue psychologique.
2e stade : consommation intensive de pornographie
La fréquence et l’attente vis-à-vis du comportement augmentent et commencent à devenir gênantes. Ayant découvert les effets agréables et apaisants de la pornographie et de la masturbation, la personne les systématise en tant que remède face aux difficultés. Les premières conséquences problématiques apparaissent sur le plan émotionnel (irritabilité, par exemple) ou cognitif (difficulté à rester concentré). Mais ces effets ne sont pas suffisants pour une remise en cause.
3e stade : usage pathologique
Certaines personnes se maintiennent au 2e stade… tandis que d’autres « basculent » dans l’addiction au porno. Pour celles-ci, l’usage intensif n’est donc qu’une phase transitoire. La bascule survient assez souvent à l’adolescence ou au début de l’âge adulte, et le contexte joue un rôle décisif : fragilité passagère, accident de la vie, environnement, facilité d’accès aux images, etc. Cette étape se caractérise par une perte totale de contrôle : le plaisir se transforme en esclavage, le désir en besoin irrépressible.
La logique de fuite au cœur de l’addiction à la pornographie
On ne peut pas comprendre la dépendance au porno sans prendre en compte sa dimension d’évitement. Ressentir de l’excitation puis un orgasme en regardant des images et en se masturbant constitue une solution facile – et en apparence efficace – pour gérer les problèmes en les fuyant. Au lieu de faire face à l’obstacle rencontré, la personne anesthésie son malaise émotionnel.
Éviter plutôt qu’affronter grâce au plaisir de la pornographie
Les obstacles à éviter diffèrent d’un individu à l’autre en fonction de l’histoire personnelle et de l’addiction. Ils ont comme point commun de pouvoir survenir dans la vie de tous les jours. Chez un individu donné, le comportement compulsif (regarder du porno, se masturber…) se greffe la plupart du temps à une ou deux difficultés spécifiques (il peut en changer avec le temps). Chaque difficulté est une situation qui réactive un événement difficile initial, c’est-à-dire une « première fois » qui a laissé une trace dans la mémoire :
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ennui, solitude, sentiment d’inutilité ;
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procrastination ;
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émotions désagréables : colère, peur, tristesse, honte, culpabilité, frustration, jalousie… ;
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anxiété (elle est plus diffuse que la peur), stress, fatigue ;
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tensions physiques, douleurs ;
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difficultés relationnelles : s’affirmer, communiquer, etc. ;
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impuissance à régler ses problèmes, sentiment de ne pas pouvoir faire face ;
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peur de l’autre sexe ;
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tension dans son couple ou sa famille ;
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difficultés ou insatisfactions sexuelles (mais pas nécessairement !).
Il est rare de n’avoir qu’une difficulté. Chez certaines personnes, un état ou une émotion agréables (débordement de joie, excitation, détente) peuvent aussi provoquer les envies addictives de porno et de masturbation.
Quoi qu’il en soit, la tendance à fuir les obstacles révèle toujours un manque de confiance en soi et d’estime de soi. À cause de ce déficit, on a peur des ressentis désagréables, on ne veut pas les gérer ou on pense ne pas en être capable. L’évitement émotionnel semble la meilleure, voire l’unique solution : courage, allons regarder des images pornographiques !
L’addiction à la pornographie apporte un effet compensatoire…
Pornographie, masturbation, etc. : les comportements sexuels peuvent devenir des fausses promesses, des faux remèdes miracles. Toute personne addicte au porno en attend des effets compensatoires. On retrouve généralement les recherches suivantes :
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un apaisement émotionnel ;
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un soulagement physique ;
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parfois, une attente de stimulation ou un souhait de se punir.
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La jouissance provoquée par l’acte compulsif permet de combler cette attente… sur le très court terme. En général, on est vite rattrapé :
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par le réel : le problème évité n’est pas réglé ;
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par les effets secondaires émotionnels (honte, culpabilité, tristesse, impuissance, etc.).
L’addiction au porno répond aussi à des attentes plus inconscientes
Il existe un deuxième niveau d’attente vis-à-vis du comportement compulsif. Il est lié aux blessures affectives et à la nature même de l’existence, marquée par la finitude et les limites. Ces motivations sont plus inconscientes : quête d’identité, tentative d’affirmation de sa masculinité ou féminité, recherche d’amour fusionnel, attente esthétique, besoin d’intimité ou de contact physique, fuite du vide, du manque ou de l’angoisse existentielle, etc.
. La sexualité devient une réponse facile à toutes ces attentes, un refuge naturel.
Addiction au porno = cerveau hors de contrôle
Grâce aux avancées de la recherche, on sait que l’addiction à la pornographie est une pathologie à part entière qui trouve son origine dans le cerveau. La dépendance au porno n’est donc pas une affaire de volonté insuffisante : ce constat peut faire du bien, car il est déculpabilisant. Attention, pour autant, à ne pas tomber dans le piège inverse : la déresponsabilisation.
Le cerveau, une tour de contrôle ultra-sophistiquée
Notre cerveau est un organe fascinant et extrêmement complexe. Grâce aux progrès des neurosciences, nous en savons chaque jour un peu plus sur son fonctionnement. Véritable tour de contrôle, il est le principal organe du système nerveux, qui assure le bon fonctionnement de tout l’organisme. Pour cela, il se compose de plusieurs régions, distinctes mais interconnectées, chargées de traiter l’information en provenance de tout le corps mais aussi de l’extérieur via les sens.
La communication à l’intérieur du cerveau est assurée par les neurones. Présentes par milliards, ces cellules forment de multiples routes ayant chacune leur fonction spécifique. Aux extrémités de chaque neurone se trouvent des capteurs, les synapses. Lorsqu’une information circule, le contact entre deux neurones déclenche une impulsion et la sécrétion d’un messager chimique, le neurotransmetteur.
Le neurotransmetteur qui nous intéresse le plus ici est la dopamine : c’est elle qui active le circuit de la récompense chargé du plaisir. Elle assure aussi la prise de risque et tient un rôle majeur dans l’apprentissage, la mémorisation et la motivation.
La dépendance à la pornographie est une atteinte du circuit de la récompense
La récompense, ou le plaisir pour survivre
Sur le plan neurobiologique, l’addiction au porno et à la masturbation se traduit par un dérèglement du système de la récompense. Ce circuit neuronal a une mission capitale : encourager les comportements nécessaires à la survie (s’alimenter, boire, se protéger, se reproduire, être en relation). Le plaisir génital (regarder du porno, se masturber) fait bien évidemment partie de ces activités indispensables car il est associé à la survie de l’espèce.
À l’approche puis à la réalisation d’un comportement utile, le circuit de la récompense s’active, ce qui entraîne une libération de dopamine. La sensation de plaisir (la récompense) signale ainsi au cerveau le caractère bénéfique de l’action engagée. Ce signal est mémorisé. Par la suite, le cerveau peut faire appel au souvenir agréable pour déclencher automatiquement le comportement qui lui est associé.
Quand le comportement concerné a une dimension sexuelle (porno, masturbation), sa réalisation entraîne aussi une sécrétion d’endorphines qui procure une sensation de bien-être.
La consommation de porno entraîne un déséquilibre interne
Notre cerveau est plastique : il est capable de multiplier les terminaisons des neurones et d’augmenter l’excitabilité des synapses pour maintenir son équilibre interne. Dans le cas de la drogue, par exemple, les substances psychotropes piratent les neurones en se fixant sur certaines synapses qu’elles peuvent activer ou désactiver. Avec l’addiction à la pornographie, c’est différent, car il n’y a pas d’apport chimique extérieur. Le dérèglement est interne, le cerveau produit lui-même ses substances psychoactives : la dopamine.
Les activités compulsives entraînées par la dépendance au porno déclenchent une libération de dopamine plus importante et plus rapide que n’importe quelle activité naturelle – y compris une relation sexuelle avec un partenaire en chair et en os. Avec le temps, le cerveau s’adapte à cette situation en modifiant les circuits neuronaux du système de la récompense.
Plusieurs mécanismes neurobiologiques déréglés par la dépendance au porno
Motivation renforcée, inhibition diminuée
Le premier mécanisme déréglé par l’addiction à la pornographie est la motivation. Le cerveau a mémorisé le comportement concerné comme source d’un plus grand plaisir qu’une action ordinaire, si bien que sa motivation pour ce comportement se renforce. La simple anticipation suffit à exciter le circuit et à susciter une envie irrépressible de regarder du porno et se masturber. De la dopamine est libérée très rapidement et en grande quantité avant même la réalisation du comportement. Cette sécrétion pendant la phase d’anticipation peut être jusqu’à dix fois supérieure à la normale.
Parallèlement, la motivation pour d’autres comportements, notamment la sexualité réelle, diminue.
Sortir de l’addiction à la pornographie requiert donc de se rééduquer sur le plan motivationnel, c’est-à-dire de réapprendre à trouver de la satisfaction dans les comportements sains et simples de la vie quotidienne.
Toujours plus de porno !
À cause de la plasticité du cerveau évoquée plus haut, les circuits neuronaux vont réclamer une dose toujours plus importante pour obtenir le même effet plaisant : toujours plus de pornographie, toujours plus de masturbation. C’est l’accoutumance, aussi appelée effet de tolérance. Ainsi, le cerveau intègre le comportement addictif comme un élément indispensable à son fonctionnement et finit par se désensibiliser.
Cette accoutumance est un véritable piège puisqu’elle incite à vouloir toujours plus. Dans le cas d’une addiction à la pornographie, cela explique la surenchère dans les comportements (plus fréquents, plus longs, dans des lieux plus risqués, avec des recherches d’images plus variées ou plus extrêmes, etc.) pour un plaisir qui finit par devenir moindre, voire inexistant. La dépendance à la pornographie finit par tuer le sexe et le plaisir.
L’addiction au porno a aussi des effets secondaires émotionnels
L’addiction a aussi des répercussions sur le circuit neuronal du stress et favorise ainsi l’émergence d’émotions désagréables : colère, anxiété, tristesse, mal-être général, irritabilité,
hyperactivité… C’est particulièrement vrai dans deux circonstances : juste après un passage à l’acte ; en cas de lutte pour ne pas succomber ou d’impossibilité de passer à l’acte.
Le passage à l’acte addictif va soulager très brièvement l’état de malaise dû au manque. Mais il procure en général peu, voire plus de plaisir.