1ère partie de l'article "Pourquoi certains deviennent-ils addicts au porno et/ou à la masturbation et pas d'autres ?"
L’essentiel
La nature nous a faits inégaux face à l’addiction. C’est une réalité biologique dont il faut tenir compte.
Mais comment l’expliquer ? Pourquoi certains consommateurs de porno parviennent-ils à garder le contrôle de leur consommation ? Au contraire, pourquoi d’autres finissent-ils par basculer dans un comportement dépendant ? Même s’il n’y a jamais de fatalité en matière d’addiction, on peut néanmoins parler de "prédispositions".
Tour d’horizon de ces "facteurs de vulnérabilité"…
Premier facteur de vulnérabilité, un contexte d’insécurité affective
Dans sa petite enfance, la personne dépendante a pu développer un attachement insécure (cf. zoom ci-dessous). La raison ? Elle a ressenti un manque d’affection et de soins (ce qui ne veut pas dire qu’elle n’a pas été aimée !), et cette insuffisance l’a rendu hésitante à partir à la découverte de son environnement. Devenue adulte, elle aura tendance à présenter un niveau d’estime de soi et de confiance en soi moins élevé qu’une personne à l’attachement sécure. D’où des réticences potentielles vis-à-vis des relations interpersonnelles : en effet, la rencontre de l’autre représente toujours un risque. De plus, insuffisamment armé sur les plans cognitif et émotionnel, cet individu pourra éprouver des difficultés à accueillir et gérer les pensées et émotions désagréables dont la vie de tous les jours est ponctuée.
Dans ces conditions, recourir à l’addiction constitue une stratégie inconsciente mais efficace d’évitement psychologique : comme un doudou pour un enfant, le comportement compulsif sert à anesthésier le mal-être que l’on ne veut ou sait pas gérer. Ou plutôt contre lequel on pense devoir lutter.
Un traumatisme, à caractère sexuel ou non
Malheureusement, il n’est pas rare de repérer un événement de nature traumatique dans l’histoire d’une personne souffrant d’addiction. Un accident de ce type n’a pas nécessairement un caractère sexuel. Il va de soi que certains mauvais traitements infligés à l’enfant l’atteignent autant qu’un abus sexuel : violences physiques, menaces verbales, humiliations, négligences….
Le point commun de tous ces traumatismes ? Leur impact sur le développement de la personne et leur caractère indélébile. Ils susciteront une grande diversité de réactions et de comportements chez l’adulte : repli sur soi ou au contraire extraversion, colère, dégoût, sentiment d’impureté, culpabilité, prise de distance avec les émotions, instabilité... Le recours addictif à la pornographie pourra être une façon de s’auto-prescrire des soins : par exemple en se vengeant sur des partenaires virtuels ou en revivant la jouissance éprouvée de manière paradoxale pendant le traumatisme.
Une vision déséquilibrée de la sexualité
La vision de la sexualité propre à chaque individu est le fruit de son éducation, de sa culture, de son environnement social. À partir des discours entendus dans son enfance, mais aussi des comportements réels dont il est témoin ou des non-dits dans lesquels il baigne, le futur adulte élabore sa propre représentation du sexe. Les croyances développées concerneront la personne elle-même, ses besoins sexuels, les futurs partenaires, autrui en général…
Cette vision dictera tous les comportements futurs. Quand elle est déséquilibrée, elle peut susciter de la peur ou au contraire une attirance excessive, du dégoût, de la violence. Les schémas inadaptés joueront en particulier un rôle essentiel dans le déclenchement de comportements addictifs. Par exemple, une méfiance vis-à-vis de la sexualité pourra conduire à un évitement des relations réelles et inciter l’individu à recourir au virtuel, facile et valorisant.
Tout se joue à l’âge Playskool : zoom sur l'attachement
Le célèbre slogan publicitaire imaginé par un fabricant de jouets non moins célèbre nous rappelle que les premières années de la vie sont capitales pour le développement de la personne. Pour autant, il n’est pas tout à fait juste que dire "tout s’y joue" (et encore moins que les jouets Playskool sont les seuls à convenir aux bambins)… Mais cette formule a au moins un mérite, celui d’encourager les parents à accorder à leurs bébés ce dont ils ont énormément besoin dès le berceau : un peu d’attention.
La théorie de l’attachement a été élaborée dans les années 60 par un psychiatre britannique, John Bowlby. Elle s’intéresse aux relations entre le jeune enfant et sa mère (ou à défaut la personne qui lui apporte les soins), et les considère comme capitales pour l’élaboration du style relationnel du futur adulte. Lorsque le bébé se sent en sécurité, il développe un attachement "sécure" qui lui permet de partir explorer le monde tout en ressentant du plaisir. Quand l’enfant ne bénéficie pas de l’apport affectif dont il a besoin pour son développement, il développe au contraire un style d’attachement dit "insécure". John Bowlby en a identifié trois, qui déterminent autant de modes relationnels à l’âge adulte :
Insécure ambivalent : l’enfant éprouve de la détresse quand la mère s’éloigne. L’adulte aura globalement peur d’être abandonné. Pour apaiser cette crainte, il pourra avoir tendance à contrôler la relation ou à se soumettre à son partenaire.
Insécure évitant : le bébé semble indifférent au parent. La personne adulte aura besoin d’autonomie, craindra l’intimité au-delà d’un certain stade et pourra présenter une relative indifférence vis-à-vis de ses propres besoins.
Insécure désorganisé : le jeune ressent une confusion vis—à-vis de son pourvoyeur de soins et ne sait pas quelle réponse il peut obtenir à sa demande. L’adulte aura un style relationnel inconsistant et explosif.
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