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La procédure d'urgence pour gérer les envies - #2 : passez à la pratique !


L’envie, c’est (presque) comme une boîte de chocolats : on sait toujours sur quoi on va tomber. On mange avec frénésie tout le contenu de la boîte, et à la fin on est malade… Dans ces conditions, il vaut mieux faire comme Forrest : courir très vite (après avoir tourné les talons) !


Dans mes deux précédents articles, j’ai décortiqué le mécanisme de l’envie et je vous ai donné quelques points de repères théoriques pour vous aider à mieux accepter et accueillir les envies.


Dans le présent article, je vais vous présenter des bonnes pratiques dont vous pourrez vous inspirer pour élaborer votre procédure d’urgence en cas d’alerte. Il est important que ce "PSG" (Plan Spécial de Gestion) vous corresponde et soit conçu à partir de votre propre expérience de l’addiction. En effet, le spécialiste de votre problème, c’est bien vous-même. Faites-vous confiance, soyez inventif et persévérant. Le PSG sera un outil précieux pour vous accompagner dans votre grande marche vers l’eau libre. Il vous apportera de la sérénité et, qui sait, vous n’aurez peut-être que rarement besoin de l’utiliser… Voire jamais.



En cas d’envie soudaine de porno, appliquez les 4 mesures suivantes :


1 - "Il se passe quelque chose"


Dès l’apparition du moindre signal, même minime, il est fondamental d’accueillir et de reconnaître le fait qu’un processus s’est initié en vous. Dites par exemple à haute voix : "Tiens, attention, quelque chose est en train de se passer".

À ce stade, certes, l’événement intérieur est peut-être encore très vague, très diffus. Mais, grâce à votre expérience et à votre sixième sens, vous avez la capacité de sentir qu’il y a un danger. À cause du conditionnement, en réaction à un stimulus que vous aurez à peine repéré, la "machine" est susceptible de s’emballer très vite, de manière quasiment réflexe et inconsciente.

Une parole toute simple comme celle proposée ci-dessus vous évitera donc de faire l’autruche, de rester dans le déni en attendant avec passivité que l’envie prenne plus d’ampleur. Actionnez donc la sonnette d’alarme à ce-moment-là, et vous vous épargnerez bien des secousses ultérieures.


2 - Stoppez l’action que vous êtes en train de mener


Si l'envie a été directement provoquée par cette action (par exemple surf sur Internet), interrompre ce que vous êtes en train de faire peut suffire à garder le contrôle de la situation.

3 – Fermez les yeux


De vos 5 sens, la vue est celui qui vous mobilise (et trompe…) le plus.


Fermer les yeux revêt donc un triple intérêt :

  • Compléter la mesure n° 2 (arrêt de l’action en cours).

  • Vous couper d’éventuels stimuli visuels orientant vers le porno.

  • Accroître votre concentration.


4 - Rejoignez mentalement votre "montgolfière"


La montgolfière, c’est le lieu où vous pouvez vous réfugier et vous auto-observer en cas de crise (article sur ce thème à venir).

Dans certains cas, un déplacement jusqu’à cette position est une mesure suffisante pour faire redescendre un peu la "pression". C’est le cas de le dire : plus on s'élève dans la montgolfière, plus la pression diminue... Vous êtes en altitude, vous dominez la situation, tout en gardant un contact visuel avec vous-même.


Pour compléter ces 4 mesures, selon vos préférences et votre expérience, intervenez sur les 3 étages de la fusée :



1/ Agissez sur l’étage mental de la fusée : les "sentences de vie"


Le but :

- Ne pas vous laisser coincer par les pensées-prisons automatiques que votre cerveau pourrait produire.

- Ne pas vous laisser dicter une réponse comportementale conditionnée.

- Vous motiver, vous mobiliser.


Que faire ?

Prononcez dans votre tête ou à haute voix – c’est encore mieux – une ou plusieurs formules connues par cœur.

Appelons ces phrases vos "sentences de vie".

Plus les sentences de vie sont courtes, impératives, et mobilisatrices, mieux c’est.



1er type de sentence : une parole généraliste pour prendre de la distance par rapport à la pensée en tant que processus.

La sentence ne vise pas une pensée-prison spécifique. Le but de cette parole est plutôt de vous rappeler que vous êtes distinct de vos pensées. Par conséquent, vos pensées ne sont pas assimilables à des ordres auxquels vous n’avez pas d’autre choix que d’obéir avec docilité. Vous êtes libre de ne pas vous conformer de manière systématique aux règles rigides édictées par votre bandit manchot.


Exemples :

  • "Mes pensées ne sont que des pensées !"

  • "Je ne suis pas mes pensées !"

  • "Mes pensées ne sont pas des ordres !"

  • "C’est moi le pilote !"

  • "Ta gueule !" : c’est une dédicace spéciale à votre bandit manchot. Un de mes accompagnés l’a testée avec beaucoup d’efficacité lors d’un entretien.


2e type de sentence : une phrase plus ciblée destinée à démentir/contrer chacune de vos pensées-prisons notoires.

Ces phrases devront donc être réfléchies à froid, après un travail de fond pour repérer les idées fausses qui vous enferment dans votre problème.


Exemples :

  • "Ça va me faire du mal !" (En réponse à la pensée prison "ça va te faire du bien").

  • "Je n’en ai absolument pas besoin !"

  • "Je suis tout à fait capable de gérer la situation !"

  • "J’ai arrêté ! Tout ça, c’est derrière moi pour toujours !"

  • "Je reste sur mes gardes !"

  • "Le sexe, c’est comme tout, ça se contrôle"


3e type de sentence : quelques mots pour vous motiver, vous donner du courage, exprimer verbalement votre détermination, votre refus de faire des compromissions.


Exemples :

  • "Je veux changer !"

  • "Je suis motivé !"

  • "Non !", "Je ne veux pas !"

Dans le feu de l’action, si vous vous sentez en difficulté, veillez à ne pas trop écouter la petite voix et à ne pas vous focaliser sur le contenu des pensées : le bandit manchot va entreprendre tout ce qui est possible pour vous convaincre de céder à l’envie. En réalité, il est tout simplement en train de réclamer sa dose habituelle de dopamine… Le dépendant, ce n'est pas vous : c'est lui !


Il est bon, en particulier, de ne jamais perdre de vue qu’une envie ne dure pas une éternité. Au contraire… En pleine gestion de crise, afin de mieux vous faire céder, votre bandit manchot pourrait générer une pensée-prison spécifique du type : "Une envie, c’est un supplice vraiment violent et interminable. Le plus simple, histoire d’abréger les souffrances, c’est d’y succomber tout de suite..."


2/ Agissez sur l’étage émotionnel de la fusée : la "rencontre" avec vos sensations


Le but :

- Ne pas anesthésier votre émotion sous prétexte de soi-disant vous sentir mieux. Ne pas fuir vos sensations corporelles désagréables, ne pas céder à la tentation de les étouffer. Au contraire, il s’agit de mieux ressentir ce qui est en train de se passer en vous.

- Ne pas vous laisser déborder par l’excitation. Ressentir n’est pas non plus succomber (c’est-à-dire céder).


Que faire ?

Si vous y parvenez, nommer l’émotion qui se manifeste? C’est en soi une manière d’y consentir, de valider l’expérience comme n’étant pas mauvaise.

  • Par exemple : "Je suis triste".


Faites 3 inspirations/respirations conscientes

La respiration est le seul processus physiologique sur lequel vous avez une prise, aussi minime soit-elle. Pour le reste, votre système nerveux autonome est aux commandes.

Par le biais de la respiration consciente, en vous concentrant sur cette fonction organique, vous gardez le contrôle de votre comportement.


Allez à la rencontre de vos sensations corporelles

  • Parcourez votre corps pour répondre à cette question : "Qu’est-ce que ça fait dans mon corps, à quel endroit ?". Exemple : "J’ai du coton dans les jambes", "ça bout dans mon ventre", "j’ai le cœur qui bat à toute vitesse", etc.

  • Restez en contact avec vos sensations corporelles pendant la durée de l’envie. Physiologiquement parlant, l’envie ne peut pas durer plus de quelques minutes. En principe, si vous avez réagi de manière adaptée, son intensité devrait déjà décroître au bout de 5 à 10 secondes. Il est bon de vous en souvenir !

  • Si une pensée survient, prenez note de cet "événement" et laissez-la filer sans chercher à la contrôler ou à les chasser. Ne vous jugez pas d’avoir eu cette pensée. Ce serait la meilleure manière de la renforcer.

  • Revenez de manière systématique à vos sensations.

  • Enfin, notez bien ceci : sensation n’est pas impulsion. En d’autres termes, ne craignez pas de prendre contact avec vos sensations corporelles sous prétexte que cette rencontre pourrait entraîner une compulsion. Bien au contraire. C’est le cerveau qui détermine le passage à l’action. Si vous restez concentré sur les sensations corporelles, vous empêchez le bandit manchot de décider à votre place et de vous faire basculer dans la compulsion. Vous le court-circuitez, tout simplement. C’est le coup de l’arroseur arrosé.

  • Alors n’ayez pas peur ! Vos sensations ne sont que des sensations.



3/ Agissez sur l’étage comportemental de la fusée : faites les gestes barrières


Le but :

- Casser l’élan, la tendance à aller vers la compulsion. Un geste, même le plus simple, peut tenir lieu de "contre-action" (rien à voir avec l'accouchement...), de "contre-pulsion". Il en faut peu pour ne pas "basculer".



Quel geste pouvez-vous faire ?

N’importe lequel, du moment... que ça marche :

  • Vous lever, ou au contraire vous asseoir.

  • Quitter la pièce, le lieu où vous vous trouvez. Cette réaction est d’autant plus importante s’il s’agit d’un endroit habituellement "déclencheur" (ex. : bureau avec ordinateur, chambre, salle de bains…).

  • Faire un geste de refus avec le bras.

  • Vous séparer de l’ordi ou du téléphone portable.

  • Aller vous passer la tête sous l’eau.

  • Revêtir un vêtement supplémentaire.

  • Appeler au secours une personne référente.

  • Sortir de votre isolement en vous rendant dans une pièce fréquentée.



Une fois le geste d’urgence effectué, quand vous êtes sorti de l’œil du cyclone, vous pouvez entreprendre une action dérivative pour vous changer les idées : sport, détente, etc. Mais n’entreprenez pas cette activité dans une logique de "décompensation", sinon vous risquez de tomber dans le piège de l’addiction de substitution.


Les points clés pour gérer l'envie de porno


Le PSG est un bon plan si c’est le vôtre, s’il vous correspond. C’est votre procédure personnelle et pas celle de quelqu’un d’autre. Faites votre "marché" dans les propositions ci-dessous. Ne les adoptez pas sans conviction, inspirez-vous-en plutôt pour élaborer votre propre protocole. Rien ne remplace la connaissance que vous avez de vous-même et du problème qui vous a empoisonné (mais c’est du passé).


Comme toute procédure d’urgence, le PSG doit être élaboré à tête reposée puis faire l’objet d’un entraînement sous forme de répétitions. Dans le feu de l’action, il est trop tard pour décider de ce qu’il faudrait penser, dire, ressentir et faire. Vous devez exécuter les mesures rapidement et sans hésitation. Comme un pompier ou un militaire. Entraînement difficile, guerre facile, parait-il.



Vous pouvez ensuite vous préparer en vous "exposant" à des situations sensibles grâce à la technique de la visualisation. Pour cela, ayez soin de choisir un cadre sécurisant (lieu, horaire, etc.) et une période opportune où vous vous sentez plutôt bien (n’allez pas jouer avec le feu et vous fragiliser).

  • Dans un premier temps, imaginez un contexte dans lequel vous pourriez ressentir une envie. Visualisez-vous en train d’appliquer la procédure et de réussir à gérer la situation de manière satisfaisante.

  • Dans un deuxième temps, rejouez en imagination une envie qui vous a fait trébucher. Refaites l’histoire : cette fois-ci, vous vous en tirez avec les honneurs !


La 3e mi-temps. Après l’envie, la vie ?


1/ Célébrez votre victoire : octroyez-vous une vraie gratification. Bonne pour vous (pas du type réclamé par le circuit de la récompense dans votre cerveau…). Le conditionnement, ça fonctionne aussi de cette façon…. On parle alors de renforcement positif. Grâce à lui, vous allez avoir davantage envie de gérer vos envies.


2/ Si l’envie a entraîné un dérapage, appliquez votre RPG (plan de Relance Post-Glissade – article à venir).


3/ Faites-vous du bien de manière gratuite (indépendamment de la récompense mentionnée ci-dessus). En effet, si vous avez ressenti une envie, c’est probablement parce que vous n’étiez pas au mieux de votre forme. Il est donc utile de prendre votre température intérieure et de vous remonter le moral en pratiquant une activité à connotation positive.


4/ Débriefez. Si vous relisez votre dérapage avec lucidité, vous en sortirez grandi : plus malin, plus motivé, plus humble. Bien entendu, les victoires, elles aussi, appellent un retour d’expérience.

A l’issue de ce débriefing, améliorez votre PSG. Vous n’avez pas été champion cette fois ? Vous remporterez assurément le titre la prochaine fois !


Bonne chance !


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