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Comment devient-on addict ? - #3 : en pilotage automatique

3e et dernière partie de l'article.

Voir : la 1ère partie - la 2e partie



Après avoir découvert ce qui conduit de la première fois à l'addiction et comment la motivation à consommer se renforce, voyons quatre autres mécanismes qui se mettent en place dans le cerveau.



Le conditionnement


Après le renforcement de la motivation, le conditionnement est le deuxième mécanisme clé de l’addiction. Il permet, dans le cycle addictif, de comprendre le lien logique entre le déclencheur et le comportement compulsif.


En psychologie, un conditionnement est l’apprentissage d’un comportement automatique modelé sur un scénario simple : à un stimulus donné correspond une réponse identique et systématique. Concrètement, lorsque la mémoire garde le souvenir d’une action addictive qui a été source de plaisir, elle enregistre aussi le contexte dans lequel l’événement est survenu : le lieu, le moment ou encore l’ambiance. Par association, ces éléments environnementaux vont être assimilés à la récompense elle-même et vont finir par devenir des stimuli. À eux seuls, ils suffisent à déclencher une libération de dopamine dans le circuit de la récompense, suscitant ainsi l’envie puissante de réaliser le comportement.


Généralement, les déclencheurs varient d’un addict à l’autre. Chaque individu a les siens, qui sont fonction de son histoire personnelle et de celle de son comportement-problème. Par exemple : être seul chez soi le soir, prendre une douche, visionner involontairement une publicité suggestive sur son ordinateur, croiser une jolie femme dans la rue, s’ennuyer...




Les chercheurs ont découvert que le mécanisme de conditionnement se met davantage en place chez des personnalités ayant une prédisposition impulsive. Se laisser conditionner suppose en effet de répondre de manière plus immédiate et systématique à un stimulus pour satisfaire une envie. Cela se vérifie dans le cerveau, où un circuit proche du système de la récompense a été identifié : celui la compulsivité. Plus une réponse à un stimulus est impulsive, plus le circuit de la compulsivité est perturbé.



Le déficit de contrôle inhibiteur


L’inhibition est un mécanisme neuronal impliqué lui aussi dans l’addiction au porno et à la masturbation.


Le circuit de la récompense ne sert pas uniquement à gérer le plaisir, comme on l’a vu précédemment. Il a également une fonction d’aversion, de régulation. Pour tenir ces deux fonctions complémentaires, il dispose de deux sous-circuits. Le premier est stimulé pour informer le cortex pré-frontal lorsque l’action est bénéfique et doit être renforcée et reproduite. Le second, au contraire, a un rôle inhibiteur. C’est la voie destinée à éviter un emballement du cerveau. Elle envoie des signaux négatifs au cortex quand une action doit être bloquée.


En plus de l’accroissement de la motivation expliquée plus haut, l’addiction s’explique donc aussi par le dérèglement de ce sous-circuit « anti-récompense ». En ne faisant plus leur travail de régulation, les neurones inhibiteurs contribuent indirectement à augmenter la libération de dopamine dans le circuit de la récompense. L’impulsivité est ainsi renforcée.



Les émotions négatives


L’addiction a aussi des répercussions sur le circuit du stress.


La suractivation du circuit neuronal du stress favorise l’émergence d’émotions désagréables (colère, anxiété, tristesse, d’un mal-être général, d’une irritabilité ou d’une hyperactivité. Ces humeurs se manifestent particulièrement dans deux circonstances : pendant la phase descendante qui suit un passage à l’acte ; en cas de lutte pour ne pas succomber ou en cas d’impossibilité de réaliser l’activité.


Le passage à l’acte addictif va soulager très brièvement l’état de malaise dû au manque. Mais en procurant peu voire pas de plaisir.



L’envie

Dernier mécanisme qu’il est utile de comprendre : l’envie.


Les chercheurs appellent « craving » cette envie très forte qui s’empare d’une personne souffrant d’addiction quand elle est confrontée à une crise.


La gestion de l’envie est très mobilisante sur le plan cognitif. Elle permet de comprendre certaines phénomènes comme les modifications de l’attention, de la perception, de la mémoire ou de la concentration observées chez des personnes dépendantes. Elle peut aussi s’accompagner de signes végétatifs, comme l’accroissement du rythme cardiaque ou l’élévation de la pression artérielle.


Ce phénomène survient généralement dans deux cas de figure : suite à un stimulus lié à l’addiction (par exemple le fait passer devant une boutique de lingerie…) mais aussi en situation de stress ou d’apparition d’émotions désagréables (un conflit avec le partenaire, une contrariété au travail…).


Le craving pose un problème particulier à la personne mobilisée pour sortir de l’addiction : il peut persister des semaines voire des mois après l’arrêt du comportement. Son intensité va même aller en augmentant. C’est le syndrome de sevrage, qui fait partie des critères pour déterminer une addiction. Une étude scientifique a montré que son intensité commence seulement à diminuer de façon nette au-delà de trois mois. Ce délai a donc son importance : dans l’accompagnement des personnes addictes, le cap du trimestre d’abstinence peut constituer un objectif concret, motivant et symbolique.



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